Nazim Hikmet. Né en 1901 et disparu en 1963. Voici comment ce poète turc communiste, qui a passé une grande partie de son existence en exil et en prison pour ses convictions et ses engagements politiques, se définit dans ces quelques vers.
En 3 mots où s'inscrivent toute l'essence et tout le sens qu'il a voulu donner à sa vie: ferveur, espoir, combat.
Je ne peux résister à l'envie de partager avec vous ces deux autres poèmes.
Le premier pour tout l'amour qui y palpite, pour ce coeur unique, ce coeur si profondément humain.
le second pour toute la clairvoyance et la lucidité parfois cruelle avec laquelle il dépeint ce frère, l'autre, l'homme, nous.
Si la moitié de mon cœur est ici, docteur,
L’autre moitié est en Chine,
Dans l’armée qui descend vers le Fleuve Jaune.
Et puis tous les matins, docteur,
Mon cœur est fusillé en Grèce.
Et puis, quand ici les prisonniers tombent dans le sommeil
quand le calme revient dans l’infirmerie,
Mon cœur s’en va, docteur,
chaque nuit,
il s’en va dans une vieille
maison en bois à Tchamlidja
Et puis voilà dix ans, docteur,
que je n’ai rien dans les mains à offrir à mon pauvre peuple,
rien qu’une pomme,
une pomme rouge : mon cœur.
Voilà pourquoi, docteur,
et non à cause de l’artériosclérose, de la nicotine, de la prison,
j’ai cette angine de poitrine.
Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon cœur bat avec l’étoile la plus lointaine.
Extrait de Il neige dans la nuit et autres poèmes, éditions Gallimard, 2002, page 89
Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d'épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
tu es comme la moule
enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère
comme la bouche d'un volcan éteint.
Et tu n'es pas un, hélas,
tu n'es pas cinq,
tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère
Quand le bourreau habillé de ta peau
quand le bourreau lève le bâton
tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
et tu vas à l'abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures en somme,
Plus drôle que le poisson
qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s'il y a tant de misère sur terre
c'est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés
Si nous sommes écorchés jusqu'au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irais-je jusqu'à dire que c'est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère."
En 3 mots où s'inscrivent toute l'essence et tout le sens qu'il a voulu donner à sa vie: ferveur, espoir, combat.
Moi un homme
moi Nâzim Hikmet poète turc moi
ferveur des pieds à la tête
des pieds à la tête combat
rien qu’espoir, moi.
moi Nâzim Hikmet poète turc moi
ferveur des pieds à la tête
des pieds à la tête combat
rien qu’espoir, moi.
Je ne peux résister à l'envie de partager avec vous ces deux autres poèmes.
Le premier pour tout l'amour qui y palpite, pour ce coeur unique, ce coeur si profondément humain.
le second pour toute la clairvoyance et la lucidité parfois cruelle avec laquelle il dépeint ce frère, l'autre, l'homme, nous.
ANGINE DE POITRINE
Si la moitié de mon cœur est ici, docteur,
L’autre moitié est en Chine,
Dans l’armée qui descend vers le Fleuve Jaune.
Et puis tous les matins, docteur,
Mon cœur est fusillé en Grèce.
Et puis, quand ici les prisonniers tombent dans le sommeil
quand le calme revient dans l’infirmerie,
Mon cœur s’en va, docteur,
chaque nuit,
il s’en va dans une vieille
maison en bois à Tchamlidja
Et puis voilà dix ans, docteur,
que je n’ai rien dans les mains à offrir à mon pauvre peuple,
rien qu’une pomme,
une pomme rouge : mon cœur.
Voilà pourquoi, docteur,
et non à cause de l’artériosclérose, de la nicotine, de la prison,
j’ai cette angine de poitrine.
Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon cœur bat avec l’étoile la plus lointaine.
Extrait de Il neige dans la nuit et autres poèmes, éditions Gallimard, 2002, page 89
La plus étrange des créatures
Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d'épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
tu es comme la moule
enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère
comme la bouche d'un volcan éteint.
Et tu n'es pas un, hélas,
tu n'es pas cinq,
tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère
Quand le bourreau habillé de ta peau
quand le bourreau lève le bâton
tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
et tu vas à l'abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures en somme,
Plus drôle que le poisson
qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s'il y a tant de misère sur terre
c'est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés
Si nous sommes écorchés jusqu'au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irais-je jusqu'à dire que c'est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère."