Méthodes et méthodologies pour l'enseignement des langues
étrangères (l'exemple du français langue étrangère) dont voici un extrait.
Des manuels, pour quoi faire ?
Les manuels ont de grandes qualités. Celles, notamment, de fournir à l'enseignant et à l'apprenant un référent commun, un cadre, un outil, mais aussi une méthode et une logistique pédagogiques clé en main. A l'époque des moyens techniques de plus en plus sophistiqués (bandes-son, supports visuels…), et de l'urgence dans laquelle la croissance rapide de la demande de formation met les enseignants, c'est là un atout non négligeable.
Mais, du coup, les manuels ont de gros défauts. Ils empêchent de travailler. Ils font des enseignants, et souvent des apprenants aussi, de simples exécutants, répétiteurs dépendants d'un outil, et non concepteurs d'un enseignement ou d'un apprentissage appropriés. Faute de bien connaitre les principes méthodologiques de fond du manuel, qui sont très rarement bien explicités, les enseignants de F.L.E. ne se les approprient pas toujours réellement. Alors, ils appliquent, dans l'ordre, et sans autre support, ni sans modifier quoi que ce soit au travail proposé. En passant exhaustivement par toutes les activités une après l'autre, ou pire en en piochant au hasard, parce qu'on n'a pas le temps de tout faire, quitte à ruiner complètement la progression méthodique de l'ouvrage. Ne parlons plus de différenciation pédagogique, ni de choix didactique…
Il y a là pour les éditeurs, il faut bien le dire, un marché juteux. La concurrence est vive, les manuels édités sont nombreux. Et l'on sait bien vous séduire pour vous vendre des produits… dont l'attrait commercial n'est souvent pas fondé sur des critères
Didactico-pédagogiques pertinents, mais sur des apparences prosaïques (couleurs, format, qualité du papier, originalité, modernité technologique, coût…). A y regarder d'un peu près, et quand on sait comment cela se passe dans nombre de maisons d'édition, on se rend compte que les auteurs eux-mêmes ne sont hélas pas toujours particulièrement qualifiés.
Et pourtant, un enseignant (a fortiori un auteur de manuel) doit être un double spécialiste. Spécialiste didacticien, c'est-à-dire spécialiste des contenus de son champ d'intervention. Ici, de linguistique, de sémiotique, de socio pragmatique, d'ethnosociologie, de critique littéraire, de français… Et spécialiste de sciences de l'éducation, et donc de psychologie, de pédagogie, de communication, d'épistémologie… Et pourtant, un outil n'est efficace que lorsque l'on se l'est approprié, c'est-à-dire qu'on lui a imprimé sa marque personnelle. Enseigner, c'est choisir, c'est sélectionner, c'est trier.
C'est poser soi-même ses objectifs, en fonction des apprenants. C'est déterminer avec eux les moyens les plus adaptés pour les atteindre. C'est évaluer avec eux cette atteinte et les perspectives de progression. De ce fait, on voit mal comment un manuel et un seul pourrait satisfaire tous les besoins, tous les publics, toutes les situations.
Concrètement, un manuel ne peut être qu'une base dans laquelle on sélectionne des supports essentiels et cohérents, et dont on adopte éventuellement les principes méthodologiques. Il faut savoir en sortir, ajouter d'autres supports sélectionnés ailleurs, transférer des activités ou des contenus vers d'autres objectifs, réorganiser la démarche pédagogique en fonction des besoins spécifiques du groupe, en fonction d'options didactiques particulières. Un manuel est un outil au service de l'enseignement et de l’apprentissage. Il ne doit pas en être le maître. Enfin, tous les manuels ne se valent pas.
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